« On la perd ! » Dans un petit hopital, au Texas, une femme souffre. Agonise. Perd ses deux vies à la fois. À côté d'elle, deux hommes. Un petit, maigre, au front dégarni, qui lui serre la main tout en lui ordonnant de pousser et un plus grand, svelte mais musclé, qui fronce les sourcils en caressant doucement l'avant-bras de la femme, les yeux dans le vague, comme s'il était indifférent à la scène qui se déroulait sous ses yeux. La femme, en sueur, gisait sur le lit, sa main libre posée sur son ventre gonflé par la grossesse. Elle gémissait, pétrifiée de douleur et semblait avoir juste assez de force pour pousser. Pousser, encore & encore. « Allez-y, encore un peu, l'encouragea le petit homme, qui semblait autant fébrile qu'elle, on y est presque. » Dans un ultime effort, elle cria. Un cri bientôt rejoint par celui, plus aigu et plus puissant, du nouveau-né que le petit homme tenait à présent entre ses doigts tremblants. La femme gémit et retomba sur le dos en soupirant, yeux clos. « C'est une petite fille, annonça le petit homme. Une magnifique petite fille. » « Donnez-là moi, croassa la femme, malgré qu'il lui était impossible de se relever. S'il vous plait, je veux la voir ! » Le petit homme s'empressa de tendre le nouveau-né à la femme qui, avec une précaution infinie, passa ses bras faibles autour du petit corps chaud de sa fille. Cette dernière, cessant peu à peu de pleurer, lançait de petits regards surpris autour d'elle, tentant vainement de découvrir comment elle était arrivée là, alors qu'il y a quelques secondes à peine, elle se trouvait dans son cocon bien chaud. La femme se mit alors à trembler. Ses yeux se révulsèrent et son visage se tordit en un rictus de douleur à rendre fou le vampire le plus insensible. Elle hocqueta, ce qui eu pour effet de faire sursauter le petit médecin qui se précipita, effaré, à ses côtés. Il lui enleva vivement le bébé des mains, le lova dans les bras de son père qui affichait une mine septique et retournant en trébuchant auprès de la femme, qui s'affaissa.

Pourquoi font-ils autant de bruits ? Pourquoi ne me laissent-ils pas dormir ? Mourir ? Et d'ailleurs, pourquoi ne suis-je pas morte ? Je dois être au paradis. Non, si c'était le Paradis, ma fille serait dans mes bras. Suis-je donc en Enfer ? Oh, mon dieu, que dirais Père s'il me savait en Enfer ? J'ai pourtant été une fille convenable. J'ai obéis à mes parents, je me tenais correctement à table ! & plus que tout, j'ai épousé Christopher Ganagher. Un homme imposé par mon Père, dès mes neuf ans. Alors pourquoi, Dieu Tout Puissant ? Oui, pourquoi m'as-tu expédiée en Enfer ? Comme une fille de souillon ? Comme une pauvresse ? Comme une délinquante ? &, pire que tout, pourquoi font-ils autant de bruit ?! « Mais enfin, s'ahurissait une voix d'homme, je ne vous comprends vraiment pas ! » « Ma femme était censée me donner un garçon, s'exclama une autre voix, bien plus reconnaissable. Un garçon ! » « Êtes-vous donc assez insensible pour vous moquer totalement de ce que votre épouse est devenue ? Vous ne voulez même pas savoir si elle va bien ? Et votre fille ? » Mon époux soupira. « Bon, céda-t-il, Kathleen s'est-elle remise ? » « Presque, gronda le deuxième homme, apparemment perplexe, elle est encore inconsciente, mais son état n'est plus alarmant... » Au long silence gêné, je compris que le deuxième homme n'était pas satisfait. « Et ma... fille ? » « Elle se porte comme un charme, répondit l'homme, plus joyeux. Elle est étonnement calme, pour un nouveau-né. » « Je suppose que c'est déjà ça de gagné. » J'étais à la fois désespérée et heureuse. Christopher n'était pas satisfait; mes parents ne le seraient pas non plus. Mais je savais que notre fille aurait beau gagner le prix de Miss Monde, il ne serait toujours pas heureux. Il voulait un garçon. Je ne pouvais néanmoins pas m'empêcher d'être fière de ma toute nouvelle fille. Je ne l'avais vue que l'espace de quelques secondes mais j'avais été époustouflée & captivée par ses grands yeux bleus étonnés et curieux. Par sa beauté & sa légèreté. & j'étais soulagée d'apprendre qu'elle se tenait tranquille, qu'elle était calme. C'était plutôt bon signe.

• •

Christopher & Kathleen Ganagher, au bout de quelques jours grâce auxquels cette dernière avait totalement retrouvé sa forme, étaient de retour dans leur immense habitation. Si l'homme se montrait toujours aussi peu aimant envers sa fille, la femme, en revanche, redoublait d'attention à son égard. Lorsque, chaque soir, elle allait la déposer dans son berceau de luxe, elle lui murmurait les mêmes paroles. « Dors, ma toute petite Angie, maman veille sur toi. » Pour toute réponse, la petite Angie Leliah Ganagher gazouillait & souriait à sa mère.

• •

« Papa ! cria la petite voix d'une toute petite fille aux longs cheveux blonds et aux joues roses. Papa, papa ! » Christopher leva les yeux au ciel. Combien de fois ne lui avait-il pas répeté de ne pas le déranger quand il travaillait ? Et de ne pas l'appeller " papa " ? « Demande à ta mère. » Il ne deigna pas lever les yeux lorsqu'une petite tête blonde dépassa au-dessus de son bureau. La petite Angie, sur la pointe des pieds, les mains aggripées à la table, regarda son père. Après quelques secondes, d'un air déterminé, retomba sur ses talons, disparaissant totalement derrière la table et trotina jusqu'à la chaise de Christopher pour lui sauter sur les genoux. « Angie ! Vas-t'en, je travaille ! » Il la repoussa et elle tomba sur les fesses, au sol. Elle le fixa un instant, déçue, mais ne se démonta pas pour autant. Elle tendit la feuille de papier qu'elle tenait dans sa main gauche. « Mais regarde, bredouilla-t-elle, j'ai fais un dessin pour toi. » Christopher baissa les yeux vers le gribouillage de sa fille. Il représentait trois personnes, une famille, sans aucuns doutes. Un homme aux cheveux foncés et une femme blonde tenaient chacun une main d'une petite fille blondes aux yeux bleus. Tous trois souriaient. Ce qui eu le don d'exaspérer l'homme. Il se saisit de la feuille de papier et la fixa un instant. Angie sembla mal interpréter ce silence scrutateur car elle s'approcha encore et entreprit de lui expliquer. « Là, c'est moi, indiqua-t-elle, en posant son doigt pâle sur la petite fille dessinée. Ici c'est toi et là, c'est maman. » Visiblement, elle attendait une réaction positive de son père, car quand celui-ci se leva, sourcils froncés, elle recula, hésitante. Lorsqu'il se rapprocha d'elle, il était effrayant. Il retourna le dessin, et l'approcha du visage d'Angie, lui montrant du doigt le texte écrit d'une caligraphie fine et incroyablement belle. « Angie, gronda-t-il, qu'est-ce que c'est que ça ? » Horrifiée, elle plaqua ses mains sur sa bouche qui s'ouvrit dans un petit gémissement effrayé. « Je te demande pardon, supplia-t-elle, d'une toute petite voix aigue, je ne savais pas, je ne savais pas... » Il laissa tomber le dessin à terre.

CLAC !

Angie tomba sous le choc. Elle porta ses mains à sa joue qui virait à l'écarlate. Ses yeux se remplirent de larmes. En tremblant, elle se releva et sortit de la pièce en courrant, luttant contre les larmes qui lui brulaient les yeux, laissant son père seul, le visage dur.

• •

Je n'en pouvais plus de cette atmosphère écoeurante. De cette maison. De ces deux personnes. De leurs exigences. De leur façon de vivre. De leur facçon de me traîter. J'aurais donné tout ce que je possédais pour avoir la possibilité de m'échapper, pour pouvoir m'en aller & avoir la vie dont je rêve. Pouvoir m'évader, pouvoir assouvir cette envie " d'ailleurs " qui me ronge, voir le monde. Mon père avait beau avoir été horriblement déçu de ne pas avoir reçu de garçon de son épouse, il ne laisserait sa fille s'en aller pour rien au monde. Il pourrait peut-être en retirer un bon profit. Par exemple, la marier au fils d'un riche - plus riche que lui, s'entend. De plus, il avouait, difficilement mais il avouait, qu'elle était loin d'être un laideron. Il n'aurait donc pas trop de difficulté à la marier. Bien sûr il savait que sa fille s'y opposerait, mais il restait son père et avait autorité sur elle. « Rêve toujours, papa.. » J'avais prononcé cette phrase en insistant d'un air dégouté sur le dernier mot. Et je l'avais prononcée tout haut. Je regardai autour de moi. La rue était déserte; heureusement, car si quelqu'un m'avait entendu, ca aurait pu se réveler dangeureux. Mais maintenant que j'y pensais, il n'y avait aucune raison que je m'en fasse. Après tout, j'étais majeure. Il n'avait plus aucun droit sur moi & je pouvais partir de la maison familliale quand bon me semblait.

Je soupirai. En dépit de la jupe noire de jeune fille modèle que je portais - mes parents m'avaient forcés à la mettre, en dépit du dégout que j'épprouvais pour ce semblant de vêtement - je me laissais tomber, assise, sur la bordure du trotoir. La rue était déserte. Normal, il devait être vingt-trois heures trente et tout le monde dormait. Sauf moi. J'avais faussé compagnie à mes parents en feignant un coup de fatigue et en me faufilant par la fenêtre de ma chambre. Je m'allongeais sur le dos, croisant mes mains dans ma nuque, les yeux rivés vers l'infini. J'avais beau ne pas être de nature patiente, j'aurais pu rester là pendant des heures, laissant mon esprit vagabonder vers une vie meilleure, une vie palpitante, composée d'aventure, de défis, de voyages. Mais je fus obligée de changer mes plans au bout d'un quart d'heure, lorsqu'un visage apparut, un mètre quatre-vingt au-dessus du mien. Je clignai bètement des yeux et me redressai vivement. Je me retournai et fixai l'homme qui se tenait devant moi. Comment, bon Dieu, avait-il pu approcher aussi vite et sans que je ne l'entende ? Le moindre son, ici, était emplifié par le silence et l'écho sur les maisons. Je le reconnus ausitôt. Micah Bellany. Le jeune garçon d'une vingtaine d'année dont toutes les filles de la ville étaient folles amoureuses. A part moi. Mais c'est inutile de le dire, tout le monde l'aurait deviné. Son visage pâle était d'une beauté inhumaine. Sa tignasse de cheveux dorés en bataille donnait toujours l'impression qu'il venait de sauter de la Lune en un vol plané. Il me regardait d'un air fasciné. « Et bien, lança-t-il, de sa voix incroyable, je me demande ce que diraient les Ganagher si ils voyaient leur fille allongée sur le trotoir en pleine nuit, comme une pauvresse. » Il sourit, je grimaçai. « J'imagine qu'ils ne seraient pas étonnés, répliquai-je. Ils m'ont toujours trouvé bizarre. » Il me jaugea du regard et, forcé de voir que j'étais sincère, il parut étonné. « Tu te fiches de ce que tes parents pensent de toi ? » Je méditai cette question. « Je crois que oui. Je ne les aime pas & eux non plus. » Il s'assit à côté de moi, ses coudes appuyés sur ses genoux, chevilles croisées et mains jointes. « Pourquoi ? » Je ne pu m'empêcher de sourciller. Qu'est-ce que cela pouvait lui faire ? Je ne le conaissais pas et c'était réciproque. Pourquoi s'interessait-il à ma pauvre vie ? « Ils attendaient un garçon. Quant à moi, je n'ai jamais aimé la vie de province. » Je supposai qu'il attendait que je continue, car il se tut. « Je rêve de voyage, d'indépendance, de liberté. D'un monde où je pourrais choisir ce qui est le mieux pour moi, sans avoir à prendre le risque de recevoir des coups si je proteste un ordre. Je rêve d'ailleurs, d'autre chose, d'autres personnes, d'autres rêves. Je rêve d'une ville nouvelle, d'une vie exaltante où le risque est partout. »

Il ne disait plus rien. Ses yeux bordeaux - bordeaux ? - étaient plongés dans le vague, son esprit dans d'intenses réflexions. Moi non plus, je ne pipai moi. Micah ne semblait pas vouloir parler, là, tout de suite, et je savais respecter le silence des autres. Après dix minutes à penser à tout & à rien, il pivota de quelques millimètres dans ma direction et son regard sombre plongea dans l'azur du mien. « Je peux t'offrir cette vie dont tu rêves. Mais tu devras sacrifier beaucoup. » Il semblait tout aussi étonné que moi par ses mots. Comme si il n'en revanait pas de les avoir prononcés. Je ne compris d'abord pas. Était-il fou ? Ou était-ce moi qui délirait ? Ou alors, il me faisait simplement aller. Charitable et de bonne humeur, je décidai de jouer le jeu. « Je suis prète à prendre le risque. » Je lui souris. « Ce sera douloureux. » Il semblait inquiet. J'haussai les épaules. J'avais pesé mes mots. Je désirai plus que tout avoir une seconde chance. Je ne répondis pas, consciente que mon expression trahissait mes pensées.

Il leva lentement sa main et la passa dans mes cheveux, un sourire triste sur le visage. Je l'interrogeai du regard et pour toute réponse, il approcha son visage du mien, s'inclina et posa ses lèvres glacées sur mon cou. Je n'eu pas le temps de lui demander ce qu'il faisait. Il se redressa après quelques secondes, mes paroles se figèrent dans ma gorge. Il se releva, me souleva et me prit dans ses bras. Je fermai les yeux, comprenant à présent ce qu'il avait voulut dire quand il avait parlé de douleur. Il se mit à courir, comme j'avais été une plume. « J'espère que tu survivras. Vraiment. » Ces mots furent la dernière chose que j'entendis.

Trois jours plus tard, je renaissais.

« C'est ridicule, Angie ! Tu sais très bien que tu le regrettera. » Je me retournai vers Micah, qui s'était arreté et lui sourit, insolente. Il semblait sérieux, cependant. Depuis qu'il m'avait transformé, je ne l'avais plus quitté d'une semelle. Lorsque la nouvelle de ma disparition avait fait le tour de la ville, nous avions été forcés de fuir. J'étais alors incontrôlable et rester trop longtemps dans un même endroit se révelait dangeureux. Mais il était là pour me guider et rapidement, je parvins à adopter une attitude plus humaine. Bien sûr, je continuais de me nourir de sang humain, mais je parvenais sans trop de difficultés à me faire passer pour l'un d'eux. Depuis qu'il m'avait transformé, Micah & moi voyagions ensemble. Il était mon créateur et je le considérais comme un frère. J'avais beau être très indépendante et fière, je reconaissais sans honte que sans lui, je me sentirais perdue. Il tenait sa promesse. S'il n'éprouvait pas le même besoin d'aventure que moi, Micah m'avait accompagnée dans ma découverte du monde. Nous nous faisions passer pour des frères et soeurs orphelins, lorsque nous nous attardions dans une ville plus longtemps que prévu. Après près de deux ans à voyager ensemble, nous avions eu le temps d'apprendre à nous connaître. Il arrivait à lire en moi comme si il pouvait lire dans mes pensées et il semblait savoir ce que j'avais en tête rien qu'en écoutant le rythme de ma respiration. « Certainement pas. Ces gens ont été les pires ordures qu'on peut imaginer. Tu ne sais pas ce que c'est. » Il haussa les épaules. C'était sans surprise que j'avais réagis. Je ne m'étonnais plus quand il devinait mes plans. J'avais beau l'adorer, il n'arriverait pas à me résonner. Pas cette fois. La rage qui m'envahissait était trop forte.Je savais que mes parents ne m'aimaient pas mais quand même. Comment pouvaient-ils rester de marbre alors que leur fille unique venait de disparaître, sans laisser aucunes traces ? Même moi, j'aurais pu m'attendre, de leur part, à un peu plus de tristesse que ce qu'ils avaient affichés. Mais il fallait croire que je leur avais vraiment gâché l'existence.

Micah me regarda d'un air attristé. Il ne m'empêcherait jamais de faire ce que je voulais mais je savais qu'il était contre ce que je m'apprétais à faire. A nouveau, je m'élançai, lui sur mes talons. Il devait être minuit moins quart quand je passais les frontières de ma ville natale. Syracuse. Rien n'avait changé. Deux ans devaient certainement un trop petit laps de temps que pour que quelque chose aie changé de place. Je ne pris pas la peine de visiter, j'étais pressée et personne ne devait me voir; je n'étais pas de coeur à faire plus de victimes qu'il n'en fallait. Sans un bruit, je posai le bout de mes doigts sur la serrure de la porte d'entrée. « Attends, me souffla Micah, juste dans mon dos, s'il-te-plait, sinon je vais mourir de trouille.. » L'allusion m'arracha un faible sourire tandis que je comprenais ce qu'il voulait. Je me retournai, clignai des yeux & devant moi, une réplique parfaite de mon corp se matérialisa, un genou et une main au sol, le visage penché vers le sol. Le clône se releva et me sourit. « Il faut vraiment que je trouve un moyen de les faire apparaître dans une autre position, ricannai-je. Reste avec Micah, ajoutai-je à l'intention du clône, qui acquiesca, j'ai pas envie qu'il fasse une crise d'angoisse inutile. » Il leva les yeux au ciel, me gratifiant d'un sourire affectueux qui démentait son air exaspéré.

J'étais entrée dans le hall. Tout était calme, désert & plongé dans l'obscurité. A cette heure-ci, mes parents étaient certainement entrain de dormir, aussi, je me faufilai, rapide et discrète comme un serpent, dans la plus grande des chambres à coucher. Ils étaient là, tous les deux. Endormis, paisibles, contrairement à leur habitude. Telle une ombre, je m'approchai de l'immense lit, un sourire abominable aux lèvres. Ils allaient payer. Enfin. Depuis toujours, j'attendais ce moment. Ce moment où ils allaient ressentir l'horreur qu'ils m'avaient fait subir pendant dix-huit ans. Pour eux, ce n'était qu'une petite giffle de temps en temps; pour moi, c'était se faire violentée chaque jour, c'était un manque d'amour permanent, c'était être élevée par des étrangers qui éprouvaient pour moi l'affection qu'ils auraient pour un tapis. Je commençerais par ma mère. Elle était celle qui m'avait le plus aimer des deux, bien qu'elle ne soit pas très affectueuse non plus. Je ne voulais pas la forcer à voir son mari mourir devant ses yeux. Je me penchai sur elle & sans une once de douceur sur les traits, lui caressais la joue du bout des doigts. Comme je m'y attendais, cela suffit à la réveiller. Elle ouvrit brusquement les yeux et lorsqu'elle m'aperçut, elle poussa un cri... Qui fut ausitôt étouffé par la main pâle. « Bonjour, maman, dis-je, tranquillement. Comment ca va, depuis deux ans ? Tu ne t'es toujours pas décidée à me chercher, d'après ce que je sais. » Mon ton était faussement triste. Elle avait les yeux écarquillés par la terreur. Peut-être savait-elle ce qui l'attendait ? « Tu ne veux pas répondre ? D'accord; de toute façon je ne veux pas t'entendre. Ni toi, ni lui. » Je désignai mon père d'un geste de la tête. Je devinai que le dégout que j'éprouvais pour lui se lisait très clairement sur mon visage. « C'est dommage, maman, continuai-je. J'aurais pu t'aimer, toi. » « Je.. Je n'ai rien fait ! Ce n'est pas de ma faute, bredouilla-t-elle, agitée par de gros sanglots. Ce n'est pas moi... » je soupirai. « C'est exactement ce que je te reproche, justement ! m'exclamai-je durement, prenant bien soin de toujours parler à voix basse. Tu n'as rien fait ! » Sur ce, je bondis sur elle en grondant, lèvres retroussées sur mes dents étincelantes. Elle poussa un cri effrayé qui se termina en gargouillement. J'en avais déjà finit avec elle. Cela suffit à réveiller mon père. Il se redressa, encore à moitié endormi. Lorsqu'à son tour, il découvrit ma présence, il sursauta. Il me jaugea; j'étais pleine de sang, assoifée de vengeance, la respiration sifflante. « Que... » Il n'eut pas le temps de terminer, déjà j'avais bondis.

Lorsque je ressortis de la maison, Micah n'avait pas bougé. Je clignai des yeux, le clône se désintégra. « On s'en va, » murmurai-je. Il hocha la tête, passa un bras sur mes épaules et nous nous retournâmes, laissant derrière nous notre vie d'avant.

• •

Cela faisait presque quatre heures que j'attendais. Que faisait-elle, bon Dieu ? Il ne faut pas autant de temps pour ramener deux misérables humains ! Je lui avais bien dit que j'aurais du me charger de mon humaine. Comme ça, elle aurait pu se choisir le sien. Bon, j'avoue qu'elle était assez douée pour dénicher des personnes à l'arôme incroyable mais aujourd'hui, je n'avais pas soif à ce point-là, & le premier venu m'aurait suffit. Au diable les perfectionistes ! Ce qu'elle pouvait être insuportable quand elle voulait ! Bref, j'étais assis à terre, dans un cul-de-sac de Anchorage, en Alaska, attendant que ma chère... fille - même mentalement, il m'arrivait de butter sur ce mot - se décide à nous amener à diner. J'étais immobile lorsqu'enfin, j'entendis des bruits de pas familliers à une centaine de mètres. Bizarrement, je ne percevais aucuns bruits de pas l'accompagnant. Qu'avait-elle encore fabriqué ? Souplement, je me relevai. « L'attente vaut au moins le sang du Président en personne, ironisai-je, conscient qu'elle m'entendait. Tu en as mit du temps. » Angie, à présent devant moi, fit mine de m'envoyer une bourrade dans l'épaule. « Tu n'auras qu'à chasser toi-même, rétorqua-t-elle. J'aimerais m'essayer à quelque chose de nouveau.. » Elle semblait pensive, ce qui m'intrigua. « Raconte. »

Elle se laissa tomber sur le sol, aussi légère qu'une plume et s'assit en tailleur, adossée au mur. Apparement, elle n'avait pas perdut cette habitude qu'elle avait attrapé, humaine. « Le début est trop long à raconter et, de toute façons, pas interessant, commenca-t-elle. Donc passons. » Je ne pipai mot, attendant patiemment qu'elle continue. « Figure-toi que, pendant que je chassais, j'ai entendu parler qu'un clan, à Denali, avait... Une autre mode de fonctionnement. Ils ne chassent plus l'humain. » Sur le coup, j'étais septique. Je fronçai les sourcils, légèrement moqueur. « Et que mangent-ils, dans ce cas ? » « Du sang d'animal ! » s'exclama-t-elle, toute exitée par cette révélation étrange. Je ne pu retenir une grimace. Les animaux, ca pue. Comment peuvent-ils manger ça ? Ca a l'air dégoutant ! Soudain, je compris où elle voulait en venir. « Quoi ? m'exclamai-je, incrédule. Tu veux vraiment te nourrir de sang animal ? » Après une légère hésitation, elle hocha la tête, penaude. Je soupirai, passai une main dans mes cheveux & entreprit de réfléchir à cette proposition. Il était évident qu'elle s'attendait à ce que je fasse ce régime alimentaire spécial avec elle. Ce n'était pas une décision à prendre à la légère. « J'en ai assez d'être un monstre, de prendre des vies innocentes. » Lorsqu'après trente-trois secondes, je finis par hocher la tête, elle sembla étonnée de m'avoir convaincu aussi rapidement.

• •